(Québec) Jouer distraitement quelques notes avant la messe? Très peu pour Claude Lemieux et Édith Beaulieu, qui ont obtenu respectivement cette année les postes d'organiste titulaire de Notre-Dame de Québec et de Saint-Roch. Tous deux nous livrent comment ils réussissent à interpréter des pièces qui touchent au divin avec les caprices et les forces des deux instruments les plus imposants de la capitale. Q Comment choisit-on de devenir organiste?

CL J'ai fait ma première messe à cinq ans, pour remplacer ma tante. Une dame s'occupait des pédales, parce que je n'avais pas les jambes assez longues! [rires] Je voulais être architecte, mais je faisais des concours en parallèle et ça allait vraiment bien, alors je me suis inscrit en musique à Laval. Je suis un des rares organistes à ne faire que ça. Il y a eu des années plus difficiles, mais depuis que je suis à la cathédrale, il y a énormément de travail.

EB À six ou sept ans je composais déjà, j'avais trouvé les trois accords principaux qu'on utilise pour harmoniser. J'ai appris le piano. Je suis entrée au Conservatoire en composition, mais j'ai finalement changé pour l'orgue. À ma première messe, ça faisait seulement trois ou quatre mois que je jouais.

Q À quoi ressemble une semaine comme organiste titulaire?

CL Je prépare le programme musical pour les messes. Il y a aussi quatre chorales qui ont des répertoires difficiles et différents, dont la Schola Cantorum, que je dirige. J'ai aussi à faire rayonner la cathédrale musicalement, donc à organiser des concerts.

EB Je fais tous mes choix de pièces le dimanche soir car j'enseigne à l'école [des Ursulines] le lundi dès 7h30 du matin. Le mardi, je descends à l'église Saint-Roch pour faire mes registrations. J'exerce aussi les animateurs de chant non professionnels... et je porte un paget pour pouvoir être jointe lorsqu'il y a des funérailles.

Q Parlez-moi de vos instruments...

EB J'en ai trois. L'orgue de Jacques-Cartier sera centenaire dans deux ans, le répertoire romantique y sonne très bien [mais depuis un dégât d'eau en août, l'orgue doit être réparé]. Celui de Saint-Roch est surprenant pour l'époque où il a été construit, il est à la fois néoclassique et symphonique. Et celui de Notre-Dame-de-la-Garde est un petit orgue de sept jeux qui a été enrichi, et qui est ravissant au niveau sonore.

CL Ici, il a besoin d'une bonne restauration. Samedi [le 11 décembre], le combinateur fonctionnait à moitié... Mais comme c'est le premier diocèse - c'est ici qu'on enterre le premier ministre s'il meurt - et que la cathédrale va fêter son 350e anniversaire en 2014, tout converge pour que la restauration complète soit faite.

Q Où pratiquez-vous?

EB J'ai un petit orgue de trois jeux unifiés dans mon salon... On a dû défoncer le plafond!

CL Il y a un petit orgue de sept jeux dans la chapelle. À la maison, j'ai un piano et un clavecin. [Dans son bureau, M. Lemieux a également un harmonium.]

Q Est-ce qu'il faut avoir la foi, ou du moins des connaissances religieuses, pour jouer de l'orgue?

CL Je pense que quand on compose, quand on côtoie la création, c'est peut-être plus facile de croire en un Dieu créateur. Pour les connaissances, elles viennent en faisant le métier. Ce qui aide, c'est que les compositeurs ont souvent titré leurs pièces en fonction des fêtes religieuses.

EB Je suis une croyante, même si je suis de la génération de la détresse spirituelle, et je trouve ça triste de voir les églises vides. Ce qui est bien, c'est que notre musique sert à quelque chose. Elle prend un sens supérieur et spirituel.

Q Qu'est-ce qui différencie un bon organiste d'un organiste ordinaire?

EB Il faut en premier que je règle tous les problèmes des pièces, doigté, exécution, etc. Puis, il faut que je fasse corps avec la musique, pour que lorsque je monte à l'orgue, il n'y ait plus d'anxiété.

CL La musicalité. Si on ne fait que des notes, parfois on passe à côté. On a le privilège de jouer dans le dos des gens, pour qu'ils rentrent en eux-mêmes.

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